Elle connaissait Hector depuis des mois maintenant, quelque chose comme ça. Le temps était devenu un concept abstrait auquel elle ne faisait plus attention, contrairement à d'autres qui comptaient les jours depuis le début de l'épidémie. Diana n'avait pas le luxe de se souvenir du monde avant cette dernière, ne pouvait compter les jours que depuis son réveil et ne l'avait tout simplement pas fait. Les jours passaient, se ressemblaient et la seule chose qui l'aidait pourtant à garder pieds dans ce défilé de semaines était son rendez-vous régulier avec le mexicain. Chaque rendez-vous marquait une nouvelle semaine, sept jours, cent soixante-huit heures.

Il avait réussi à la dompter. Un peu, suffisamment pour qu'elle accepte de le revoir et d'installer une sorte d'échange récurrent. Diana s'était montrée réticente au début, plus que méfiante même mais avait dit oui sans baisser sa garde. Hector avait l'air différent des brutes dont elle avait croisé le chemin malgré elle depuis son réveil. Il était... simple, gentil, bienveillant et au début, Diana avait eu beaucoup de mal à y croire. Sa normalité avait longtemps été la brutalité et la violence de ceux qui se croient à présent maîtres du monde. Elle avait cru que là était la nouvelle société, le nouveau monde et l'avait accepté comme sa réalité avant de rencontrer Hector. Malgré tout, elle était restée prudente et si lui semblait enclin à installer le dialogue, Diana était restée plus silencieuse, plus discrète. Ses paroles étaient distillées contrairement à celles d'Hector et de son passé brumeux ou de son chez-elle hors-du-commun elle n'avait pas parlé, se contentant bien souvent de commenter ce que l'homme lui disait. Ces quelques heures passées ensemble chaque semaine avaient doucement dénouées sa langue et elle s'était montrée peu à peu plus bavarde tout en gardant précieusement ses secrets pour elle. Diana était évasive, mais sincère. Secrète, mais honnête. Impulsive, mais bienveillante.

Cela faisait plusieurs jours maintenant que l'idée lui trottait en tête. Hector semblait quelqu'un de bien. Peut-être pouvait-elle, enfin, lui faire confiance totalement et entièrement ? Diana avait peur. C'était un pas qu'elle n'était pas prête à faire mais dont elle sentait le besoin. Un pas qu'elle n'aura pas l'occasion de faire, cependant, car Hector ne se présenta pas à leur rendez-vous régulier.

Au début, elle s'était sentie stupide. Stupide d'avoir pu faire confiance à quelqu'un, elle à qui on accordait jamais rien. Stupide d'avoir cru en la bonté d'autrui alors que jusqu'ici elle ne l'avait jamais vraiment observée chez quelqu'un. Stupide d'avoir cru une seule seconde ne pas être seule. Puis, une fois chez-elle après une longue marche à travers la forêt, l'inquiétude l'avait gagnée. Après tout, Hector ne semblait pas être malhonnête. Pourquoi mettrait-il fin à ce que lui même lui avait demandé d'accepter ? C'était son idée, ces rendez-vous, par la sienne. Il ne ferait pas ça, et s'il ne le ferait pas, alors où était-il ? Jamais jusqu'à présent il n'avait manqué de rendez-vous. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Diana tourna en rond un long moment. Elle réfléchit, pesa le pour et le contre, chercha une solution, une raison. Puis finit, enfin, par prendre une décision.

Elle irait chez lui.

Ce n'était pas dans ses habitudes de s'impliquer autant pour autrui. Elle n'avait vraiment connu que la solitude et l'indépendance et se mettre en danger de la sorte ne lui ressemblait pas, surtout pour quelqu'un d'autre. Mais Diana avait besoin d'être certaine, car l'inquiétude ne la quittait pas. L'angoisse, pure et inconnue pour elle. Il avait un neveu, lui en avait souvent parlé. Peut-être était-il avec lui, ou que ce dernier savait où le trouver. Diana s'était donc préparée au pire, comme toujours, préférant sortir armée et prête pour n'importe quelle situation. Car elle qui ne pouvait compter que sur elle-même n'avait pas droit à l'erreur lorsqu'elle sortait de sa cabane perchée. Glock 17 dans son holster, matraque de police à sa taille, proche de son couteau cranté. Mitaines en cuir, écharpe, son sac en bandoulière plein du matériel minimum pour survivre seule et quelques vivres en plus. La voilà partie, en direction de l'endroit où Hector lui avait dit vivre : à vrai dire, il l'avait plusieurs fois invitée à l'y suivre ne serait-ce que pour quelques minutes. Mais elle avait toujours refusée, méfiante malgré elle. Plus elle se trouvait loin des villes et des survivants qui y vivaient, mieux elle se sentait.

Elle reconnu le bâtiment immédiatement et à une rue de ce dernier, déboutonna son holster pour attraper son arme plus facilement si cela devait se faire. Une main posée sur sa matraque, prête à se refermer sur cette dernière et la brandir, Diana s'exposa dans la rue se dirigeant lentement vers le bâtiment. Ses yeux se posaient sur tout et n'importe quoi, les sens aux aguets. Bientôt, se fut une cage d'escaliers qu'elle emprunta jusqu'à l'étage qui dans ses souvenirs était celui qu'Hector lui avait parlé. Prête à dégainer, le coeur battant et la respiration lourde Diana essayait de se faire le plus discrète possible. Qui sait ce qui pouvait s'y trouver. Si Hector n'était pas venu, peut-être que son appartement avait été infesté de rôdeurs ? Et s'il en était devenu un lui-même ? Serait-elle capable de mettre fin à ses jours pour de bon ? Dans un souffle long, elle retira cette idée de ses pensées et se concentra sur le couloir dans lequel elle s'engouffrait. Diana préféra penser au neveu d'Hector et aux réponses qu'il pourrait lui apporter. Elle ne savait pas ce à quoi il pouvait ressembler et s'imaginait, étrangement, quelqu'un au physique et caractère similaire sans se douter qu'elle était sur une fausse piste.

Que lui dirait-elle, si elle finissait par se trouver face à face avec ce dernier ? Diana n'avait jamais été très bavarde ou à l'aise avec les mots. Ses sentiments, ce qu'elle ressentait, tout transparaissait plutôt dans ses actes et actions. Mais elle n'eut pas le luxe de plus y penser, finalement, qu'une porte s'ouvrit à quelques mètres d'elle pour laisser sortir un jeune homme. Instinctivement, Diana attrapa son arme à feu et la pointa vers ce dernier. Car si elle avait bien apprit quelque chose depuis son réveil dans ce monde apocalyptique, c'était qu'un simple bonjour était devenu bien moins courant que le canon d'une arme pointée vers soi en guise de salutation lors de premières rencontres. "Je ne veux pas de problèmes" articula-t-elle dans un accent italien qui lui était propre, indice supplémentaire sur cette identité oubliée. Ce n'était pourtant pas évident avec cette arme pointée vers l'inconnu qu'elle ne devinait pas être celui qu'elle cherchait. "Je cherche Hector Costello, ou son neveu." ajouta-t-elle, hésitante. Ce n'était pas une situation dont elle avait l'habitude et les confrontations, Diana les évitait généralement. Elle avait choisit la vie solitaire pour ne pas avoir affaire aux confrontations et envoyait tout en l'air pour retrouver Hector.