Un bruit, faible, ténu, qui le poussa cependant à pivoter légèrement pour reconnaître la silhouette familière de son ex femme, celle qui vivait aussi dans cette maison, celle qu'il était venu chercher, au même titre qu'un membre lambda de sa famille. Il sentit son regard courir sur lui, ce corps à moitié dénudé qui était le sien. Et si le sien en fit de même, ce fut pour lui confirmer que rien ne s'éveillait dans son pantalon, flasque réalité. Pourtant, il tenait à elle, une tendresse sincère, éternelle, qu'elle faisait brûler dans le muscle qui palpitait dans son poitrail, mais rien de grandiose de la part d'un mari pour sa femme. Ce qu'elle n'était plus. Papier chiffonné bien avant l'épidémie. « Tu ne dors pas. » constata-t-elle simplement. Ils ne dormaient plus ensemble, mais parfois, elle le prenait dans ses bras, parfois, elle quittait ses draps solitaires pour les siens et s'abandonner contre l'odeur familière de sa peau. Elle savait qu'il ne ressentait rien... ça avait toujours été le problème de leur couple, le fait qu'il ne la désirait pas assez, qu'il ne l'aimait pas autant qu'il le faudrait. L'impression qu'elle avait de se battre contre des moulins à vent aussi inutiles que factices. Elle avait fini par comprendre les regards de la jumelle, elle avait fini par saisir que son mari n'était pas honnête... avec lui-même. Elle, mieux qu'une autre, avait conscience que c'était les femmes le problème, et non particulièrement elle. Pourtant, elle l'avait toujours désiré, et elle l'avait toujours aimé plus que lui en avait été capable. Couple brisé, sentiments nécrosés par le temps et les engueulades, les parfums d'hommes persistants sur les chemises d'un mari découchant. Elle n'était pas assez conne pour ne pas comprendre que l'ex militaire, le flic, et aujourd'hui, le nettoyeur ne voulait pas accepter ces penchants qu'il jugeait inacceptables. Pourquoi tu m'as épousée ? Pourquoi, si tu n'as pas envie de moi, si tu ne m'aimes pas ? lui avait-elle un jour demandé, et il était resté silencieux quelques secondes de trop, à réfléchir alors qu'il aurait dû démentir immédiatement. Oh, il l'avait fait, mais trop tard, beaucoup trop tard. Elle l'avait quitté juste après, le cœur brisé, les larmes amères.

« Toi non plus. » répliqua-t-il en laissant ses iris trop pâles revenir chercher les siennes. « Tu veux un verre ? » D'eau bien sûr, de quoi d'autre sinon ? Elle hocha la tête sans prononcer un mot, se contentant de se rapprocher de lui. Pourquoi tu m'as sauvée ? lui avait-elle demandé plus récemment. Il avait simplement répondu, plus vite, très vite... parce que t'es ma famille. Elle avait su qu'il ne mentait pas, qu'il était sincère, même s'il ne l'aimait pas comme une femme, il tenait à elle. Pas assez pour rabibocher le cœur brisé, mais suffisamment pour adoucir la perte de sa famille à elle, et étouffer la solitude. Elle ne portait plus le nom de Haynes avant, aujourd'hui, elle se présentait ainsi pourtant, comme si elle était un membre à part entière de cette famille. Négligeant le verre qu'il lui tendait, elle se réfugia dans ses bras, venant poser son front contre son torse puissant, silencieuse, laissant la chaleur de sa respiration le faire frissonner. « T'avais pas le choix. » souffla-t-elle, piquant trop précisément la douleur des cauchemars, le laissant se raidir contre elle. Déjà, il déposait les verres, pour venir saisir ses épaules et la repousser simplement. « Ça change rien. » Il s'éloignait déjà, quittant la pièce, celle qui avait été sa femme, son quotidien et qui laissait son anatomie parfaitement insensible. « Faut que tu avances, James. Ça fait déjà longt... » « Je fais que ça. Je tue des macchabées tous les jours, tu le savais pas ? » ironisa-t-il juste avant de quitter la pièce sans se retourner vers elle, un sourire sarcastique ancré à ses lèvres, désillusion chronique de l'homme qui savait trop bien que le monde était en miettes, et que l'avenir n'avait rien de doré. Mais il survivrait. Avec eux. Ils survivraient encore, et qu'importe si pour le moment il fallait la fermer pour continuer à vivre dans ce camp le temps qu'il tiendrait.